Histoire de l’église de Magny-Vernois : un miroir de la vie villageoise au XIXᵉ siècle
1. Une construction née d’une mobilisation collective (1838–1842)
L’église de Magny-Vernois est le fruit d’une démarche citoyenne et solidaire, portée par les habitants et les élites locales.
Origine du projet : En 1838, le conseil municipal, poussé par le curé de Lure et les habitants, décide de construire une chapelle pour desservir le village. L’architecte Plaisonnet fournit les plans, et le Comte de Pourtalès (propriétaire des forges) offre le terrain + une souscription de 1 000 francs.
Financement participatif : Le 10 mars 1839, les villageois se réunissent pour souscrire en nature (moellons, tuiles, chaux, journées de travail) ou en argent. Les matériaux viennent des carrières locales (Grange du Vau, Saint-Germain).
Chronologie des travaux :
22 avril 1839 : Début des fondations (terminées le 9 mai).
10 juin 1839 : Bénédiction de la première pierre.
Décembre 1839 : La chapelle est couverte et bénie. Chaque habitant pose lui-même une dalle dans le chœur.
1840 : Achèvement de la nef, installation des bancs et du plancher. La sacristie est construite dans la foulée.
Statut religieux : Simple annexe de Lure au départ, elle devient paroissiale en 1842 (ordonnance de l’archevêque). Premier baptême en 1843, premier mariage en 1844.
2. Embellissements et tensions : l’empreinte des maîtres de forge (1840–1905)
Les maîtres de forge (famille Robinet, Tiquet, etc.) jouent un rôle clé dans l’enrichissement de l’église, reflétant leur puissance économique et leur piété.
1846–1856 : La cloche et le clocher
1846 : Fonte de la cloche Marie-Augustine (411 kg), financée par souscription. Elle est fêlée en 1850, refondue, puis bénie en 1851.
1856 : Construction du clocher-porche (style “flèche vers le ciel”), avec une horloge mécanique installée en 1873. Les initiales “R.M. 1856 G.C.” (Renaud Maire, Girardier Curé) y sont gravées.
1857 : Les vitraux sont offerts par les maîtres de forge (thèmes religieux et historiques, signés Gounon F. Nancy 1870).
Art et symboles :
Statues : Sainte Anne, Saint Joseph, Saint Desle (patron de l’église, dont une statuette contient des reliques).
Tableaux : Triptyque du chœur offert par Alphonse Gustave Robinet (1843) : Saint Éloi (patron des forgerons), Résurrection du Christ (inspiré de Van Loo), Prédication de Saint François Xavier.
Plafond : Peint en 1864 par Paul Gustave Robinet (fils d’Alphonse, prix de Rome), représentant le ciboire et l’hostie.
1905 : La crise de la Séparation À la loi de 1905, les donateurs (menés par l’abbé Lavey) refusent l’inventaire des biens, arguant qu’ils en restent propriétaires. L’inventaire a lieu malgré tout le 12 mars 1906, sous tension.
3. Guerres, restaurations et mémoire (XXᵉ siècle)
L’église traverse les conflits et les modernisations, tout en conservant son âme historique.
1944 : Trois vitraux sont brisés par les bombardements (17 septembre). Ils sont réparés en 1947 (dommages de guerre), puis consolidés en 1954.
1950 : Le clocher est reconstruit à neuf (4 500 ardoises), et le coq bénit en 1951.
1976 : La cloche Marie-Augustine, fêlée après 126 ans, est refondue par Bollée (Orléans) et électrifiée. Ses nouveaux parrain/marraine sont tirés au sort parmi les jeunes du village.
1983–1984 : Rénovation majeure : la grille de communion (don des maîtres de forge) est déplacée, et les autels latéraux sont réaménagés.
1991 : L’horloge mécanique (1873) est remplacée par une pendule radio-pilotée.
Sources : Archives communales de Magny-Vernois, registres paroissiaux, délibérations municipales (1838–1906).
